Colloque de Sorèze

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8ème Colloque - 2011


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Un cinéma du subjectif

Le 8ème Colloque de Sorèze (Tarn), consacré au cinéma et à l’audiovisuel, aura lieu les mercredi 9, jeudi 10 et vendredi 11 février 2011, sous la responsabilité scientifique de Gérard Leblanc, professeur à l’Ecole Louis Lumière, à Paris.

Un cinéma du subjectif

La 8ème édition du Colloque de Sorèze, qui aura lieu au mois de février 2011 à l’Abbaye Ecole de Sorèze (Tarn), se propose d’envisager quelques-unes des formes de l’expression directe de la subjectivité au cinéma ou, plus exactement, quelques-unes des manifestations du travail de la subjectivité au cinéma. Cela conduira à questionner des démarches cinématographiques qui croisent enjeux de vie et enjeux de représentation, en opposition à la tradition auteuriste à la française comme à la ligne de démarcation établie entre pratiques professionnelles et pratiques amateuristes. Il est clair que, dans ce contexte, un film ne peut plus être l’expression indirecte d’un auteur ni le simple exercice d’une profession. Un premier axe de recherche consistera à redéfinit une subjectivité en mouvement dans l’ensemble de ses composantes. Cette subjectivité est bien sûr celle du ou des cinéastes mais aussi celle des personnes filmées, qu’elles soient ou non des acteurs de profession, ainsi que celle des spectateurs. Nous sommes demandeurs de travaux de recherche qui visent à mettre en relation ces trois niveaux de subjectivité (cinéaste, personnes filmées, spectateur), car ils ouvrent sur un questionnement des interactions que le film est susceptible de construire avec la vie réelle des personnes qui s’y impliquent aux différents stades de son élaboration et de sa circulation. Il sera sans doute nécessaire de s’interroger également sur les modes d’implication personnelle du ou des cinéastes à travers l’auto-filmage, l’entre-filmage et le régime de l’interpellation. En s’exposant d’une manière ou d’une autre, le cinéaste se met en jeu - en tant que cinéaste et en tant que personne – et le mouvement du film provoque une série de déplacements identititaires où l’altérité n’est pas jouée d’avance mais résulte au contraire du travail du film. Le film s’approche ici de la performance tout en s’en différenciant. Gérard Leblanc, Professeur à l’Ecole Nationale Louis Lumière, Responsable scientifique de la 8ème édition du Colloque de Sorèze

Programme - 8ème Colloque

Mercredi 9 février 2011


  • 10 h à 11 h : Gérard Leblanc - Coprésentation avec Catherine Guéneau.
  • 11 h à 12 h : Catherine Guéneau - De l'expression subjective directe. Croiser des enjeux de vie avec des enjeux de cinéma. S'impliquer. S'exposer. Se mettre en jeu. Mettre en jeu quelque chose de soi qui ne relèverait pas seulement de la création en tant qu'activité séparée, circonscrite précisément au temps de la création. La création en tant qu'activité séparée n"interagit pas avec la vie, elle se substitue à elle. Hypothèse: il y aurait dans la création quelque chose qui ne relèverait pas de la création mais de l'horizon de vie du créateur. L'enjeu du film n'est pas le film comme activité séparée mais l'ensemble des interactions que le film construit avec la vie: celle des filmeurs, celle des filmés, celle des spectateurs (les personnes qui sont amenées à découvrir un film parce qu'ils partagent quelque chose avec lui).
  • 12 h à 13 h : Daniela Ricci - Subjectivité en mouvement et déplacements identitaires dans les cinémas africains contemporains. A la tradition auteuriste sartrienne du groupe des « Jeunes Turcs », la sociologie du cinéma réplique qu’un film est une œuvre collective, fruit d’un milieu social, « points d’articulation ou de liaison entre des communautés, souvent fort différentes », comme dit Esquenazi. Les cinématographies africaines révèlent de leur naissance au temps des « soleils des indépendances », à partir de l’urgence de raconter et de s’auto-représenter, en réponse au cinéma colonial et à la vision ethnographique à la Jean Rouch. Nous essayerons de montrer, à l’aide de séquences de films de l’Afrique sub-saharienne, comment des œuvres artistiques interpellent les réalités en provoquant des déplacements identitaires, lesquels résultent des interactions des cinéastes-métis, culturellement s’entend, avec les acteurs et les publics.
  • 13 h à 14 h 30 - Déjeuner
  • 15 h à 16 h 30 : Boris Lehman - Le film est plutôt un autoportrait par procuration. J’ai toujours eu besoin des autres pour me filmer, pour me décrire (cf. Tentatives de se décrire). La caméra est un miroir, d’abord pour moi, ensuite pour le spectateur à qui le film s’adresse et qui prend, en quelque sorte, ma place. Le subjectif de l’auteur renvoie au subjectif du spectateur. Dans mon cas, les films sont plus parlants que les mots. Je voudrais donc laisser une large part du temps de ma « conférence » aux images que j’ai fabriquées et qui s’expliquent d’elles-mêmes – où dont il me sera plus facile de parler à partir des questions qu’elles susciteront.
  • 16 h 45 à 18 h : Fabienne le Houérou - Les "jeux" du "je" dans la narration filmée. Cette communication interroge le statut de l'auteur dans sa dimension genrée et s'appuie pour sa démonstration sur un film tourné en Inde en 2008 , à Dharamsala , "Les sabots roses du Bouddha". Un court métrage qui explore "le mélange des genres" ou "la confusion des genres" au sein des acteurs religieux bouddhistes de la diaspora tibétaine Il questionne la place des femmes tibétaines en exil. Bref il insiste sur l'effet de miroir entre êtres filmés et auteur filmant. Il illustre la place du "jeu" dans le commentaire et évoque l'émergence de l'égo-récit à l'intérieur du champs. Un ego-récit qui s'imposerait comme en-dessous ou au-dessus du genre.


Jeudi 10 février 2011


  • 10 h à 11 h : Fabienne Bonino - Stephen Dwoskin, de la personnalisation de la caméra à l’érotisme haptique. Le gros plan comme révélation d’un subjectif dérangeant. La caméra de Stephen Dwoskin s’affirme comme une extraordinaire lutte contre la mort et la maladie en interrogeant la position du corps. Jamais objectif ne s’est fait plus insistant, plus sensuel et caressant. Jamais objectif ne s’est fait plus subjectif et dérangeant. Ce cinéma parle de la place du corps du filmant, du corps filmé, vers le corps du spectateur.
  • 11 h à 12 h : Gérard Pelé - Qui veut l’objet veut l’instrument. Cette évocation de Klossowski éclaire le parcours d’André Almuró, « Du sensationnisme au dual art » : proposant un devenir-art qui serait une conjonction d’identités et d’altérités dans le processus même, un dual, virtuel dans l’acte créateur, mais concrétisé en permanence dans le vécu et présidant à son accomplissement. Ainsi, son branchement sur un dispositif cinéma ne serait pas forcément réifiant comme supposé dans La monnaie vivante.
  • 12 h à 14 h : Déjeuner
  • 14 h à 15 h : Marie-Jo Pierron - Les « mises en regard » dans les essais filmiques de Johan van der Keuken. Comme on parle de mise en scène, mise en cadre et mise en chaîne (1), ne peut-on envisager l’émergence d’une « mise en regard » à propos de ces formes libres que constituent les essais filmiques de Johan van der Keuken ? Cette « mise en regard » apparaît en effet dès lors que l’on observe la méthode de van der Keuken qui consiste avant toute chose à filmer la situation dans laquelle il est, à filmer sa propre place dans le monde. Sa filmographie fait apparaître que vie privée, voyages et films sont toujours étroitement imbriqués : on n’oublie jamais d’où ça regarde. Dans ses films et au cours des entretiens qu’il a accordés, van der Keuken n’a cessé de préciser son approche du réel. Dès 1964, avec L’enfant aveugle, van der Keuken pose les questions qui continueront de traverser ses films ultérieurs. Comment un aveugle peut-il être en rapport avec le réel ? En demeurant toujours dans une proximité tactile avec les choses, en mémorisant les lieux à partir de leurs irrégularités. Le traitement de l’espace comme métaphore du monde est à la fois regard porté sur le réel, et réflexion sur celui-ci : le comment ça regarde est toujours apparent. Il s’agit pour van der Keuken de porter un regard subjectif sur le réel, tout en réfléchissant à l’acte de filmage et de perception qu’il est en train d’effectuer… Et c’est en se fondant sur son expérience individuelle en tant qu’homme, citoyen et cinéaste que van der Keuken donne matière et forme à son regard. Ainsi les essais de van der Keuken établissent un rapport au monde sous la forme d’un regard en train de s’exercer et de s’afficher. Ils aménagent ainsi un regard en creux, engendrant le questionnement chez le spectateur. (1) : André Gaudreault, Du littéraire au filmique Système du récit, Méridiens Klincksieck, 1989.
  • 15 h à 16 h : Lise Gantheret - L'énonciation personnelle dans les films autobiographiques. Les films personnels, en tant que discours de soi prennent des formes variées tels l’autoportrait, le journal filmé, la lettre filmée, etc. L'auteur y expose souvent l’intimité de sa pensée qu’il porte tout à la fois sur lui-même, sur les autres, sur le monde ou encore sur son propre acte de création.Mobilisant une approche sémio-pragmatique, cette communication vise à définir un mode de lecture personnalisant, constitutif du cinéma subjectif autobiographique. Quel processus dialectique entre personnalisation et impersonnalisation est à l'œuvre ? Dans quelle mesure le corps et la voix over contribuent à créer des effets de subjectivité ? S’ajoute un pacte entre l'auteur et le spectateur qui concerne l'authenticité autobiographique du récit et oriente vers une lecture fictionnelle ou documentarisante. Ce pacte induit la promesse de responsabilité et de sincérité de l'auteur face à ses dires. Nous illustrerons notre réflexion par les films Route One USA (1989) et Berlin 10/90 (1990) de Robert Kramer et Capitaines de l’espérance (2010) de Lise Gantheret.
  • 16 h 15 à 17 h 15 : Anne Marie Granié / Jean Pascal Fontorbes - La construction filmique de 12 ½. La réalisation de ce film nous a conduit au cœur des interactions sociales. ''Le propos portera tout d’abord sur la reconnaissance dans le sens où en parle Paul Ricoeur. Le parti pris de l’auto récit nous invite à la réciprocité... L’identité narrative est au centre. Les niveaux de subjectivité se chevauchent. Il s’agit d’une expérience sociale dans le sens de se laisser envahir par le discours de l’autre dans notre manière de ressentir des émotions et de construire la représentation cinématographique du récit événement.


Vendredi 11 février 2011


  • 10 h à 11 h : Dario Marchiori - Le cinéma direct, ou le sujet retrouvé. Le cinéma direct s’est retrouvé inscrit dans une fausse polarisation entre transparence et falsification, ce que dément sa capacité d’atteindre des moments d’expression authentique et partagée du subjectif. Au moment même où le filmeur se met au service de celui ou celle qui est filmé(e), il en arrive à inscrire sa propre subjectivité dans le film.
  • 11 h à 12 h : Jérémy Hamers - Le cinéma documentaire d’Alexander Kluge et de Werner Herzog. Au-delà des antagonismes : le cinéaste. Si pour Werner Herzog le rôle du spectateur semble réduit à celui d’un récepteur passif, pour Alexander Kluge en revanche, le spectateur et sa mémoire des images doivent conduire à l’élaboration d’un sens supérieur que la subjectivité du seul auteur serait incapable de faire émerger. Pourtant, leurs pratiques documentaires respectives se fondent sur la perception d’une figure complexe, celle du cinéaste, constitutive d’une relation que le film contribuera à instaurer entre le réalisateur et le spectateur.
  • 12 h à 14 h : Déjeuner
  • 14 h à 15 h : Peggy Saule - Robert Bresson, de l’objectivation consciente à la subjectivation sublimée. Polyphonie monocorde, ton lent et laconique des voix des modèles, réitération chronique des gestes : Bresson inaugure un processus d’objectivation cinématographique. Pourtant, Bresson invite le modèle à « à être divinement soi » : il invente une objectivité fondée sur la subjectivité essentielle de ses modèles, une subjectivité cinématographique métaphysique qui force le corps à penser et dévoile la projection subjective de l’impensé de la pensée.
  • 16 h 15 à 16 h 45 : Clôture du Colloque, par Pierre Arbus